Ministère de la Communauté française de Belgique 


l'art même
# 18
 
 
Arts Electroniques: ailleurs, et ici?
par Yves Bernard (*)

"It seems to me that the modern painter cannot express this age, the airplane, the atom bomb, the radio in the old forms of the Renaissance or of any past culture. Each age finds its own technique" Jackson Pollock, 1951 1

Aujourd'hui, les "Arts Electroniques" sont à la mode... festivals, expositions, un peu partout en Europe. Avec le succès des musiques électroniques, se popularise une expression recouvrant pas mal de pratiques artistiques dans une confusion mêlant l'ancien et le nouveau...
Derrière ce passe-partout regroupant autant l'art digital ou numérique, l'art vidéo (né dans les années 60), la musique électronique savante (née dans les années 50 ou même bien avant si l'on prend comme point de départ le theremin de 1919) et 'populaire' (techno, ambiante, industrielle, post-ambiante, post-industrielle, ...), que se cache-t-il d'essentiellement nouveau?

 
PERRY HOBERMAN, Cathartic User Interface, 1995-2000

Je voudrais ici tenter d'analyser ces pratiques artistiques qui me semblent réellement émergentes (bien qu'ayant déjà une histoire de près d'un demi siècle) tout en étant inévitables dans la société actuelle, c'est-à-dire celles basées sur les Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC), souvent regroupées sous le vocable "Art Digital" (ou "Computer based arts"). En étant encore plus précis et plus radical, je me focaliserai sur ces pratiques dont les objets n'existent pas sur des supports traditionnels (film, video, audio, image, ...) mais n'ont d'existence que par ces mêmes technologies (pour se différencier du champ des productions sur supports traditionnels réalisées avec des outils informatiques bien établis tels que retouche images, montages videos, 3D 2).
Si cet Art Digital me semble important, c'est parce qu'il est le reflet de la société actuelle,
la fameuse Société de l'Information tant vantée par les politiciens, la Commission européenne et les marchands, société née de la dernière révolution industrielle du XXe siècle (l'informatique), celle qui définit ce XXIe siècle...
Cet Art Digital est une des réponses inévitables et nécessaires d'une catégorie d'individus (artistes et autres) face à cette société. Il est le reflet de l'appropriation, de l'interrogation,
de la critique, de l'exploration de ces nouvelles techniques, de ces nouveaux médias par des individus libres et curieux. En parallèle à ces dimensions politiques et sociologiques particulièrement fortes, cet art digital est aussi - comme tout art né avec l'apparition de nouvelles techniques- un nouveau et riche champ d'explorations esthétiques et formelles... Car ces NTIC, comme le cinéma, puis la vidéo, ont des spécificités intrinsèques que très tôt (dès les années 60) des artistes ont explorées... Comme leurs prédécesseurs avaient interrogé l'essence de l'image animée, de l'image vidéo électronique, du son enregistré ou synthétisé 3, ... des artistes explorent l'essence de l'ordinateur, de l'algorithmique et des modèles formels, du réseau, de l'interactivité, du code, des données, ...
Cet Art Digital est inévitable, comme est inévitable la société actuelle avec ces technologies que le public s'approprie sans complexe. Mais chassons toute idée de fatalisme, car tout cela doit être façonnable, modulable dans son devenir par nous tous, par les artistes en particulier, catalyseurs ou grains de sable bien utiles...

Emergent et si mal connu...

Car qui connaît dans le monde de l'art contemporain (et dans le public) des noms tels que Jodi (explorateur de l'esthétique du code, du crash machine), Joshua Davis (designer artiste, www.praystation.com), John Maeda (designer artiste, programmeur, professeur au MIT, précurseur de l'esthétique de l'interactivité avec ses Reactive Books des années 90, auteur d'un livre manifeste 4 qui devrait inciter tout graphiste/artiste à écrire ses propres programmes plutôt que de se contenter d'utiliser Photoshop), David Rokeby (artiste canadien développant depuis 20 ans ses propres outils informatiques en vue d' installations interactives), Harold Cohen (peintre anglais pionnier dans les années 60-70 des approches formelles cognitives pour la génération d'images "signifiantes" dans son logiciel AARON), Perry Hoberman (artiste développant une approche "mid-tech" mêlant objets usuels et nouvelles technologies dans des installations interactives, pourvoyeuses de nouveaux comportements sociaux), Paul Sermon (explorateur de la téléprésence et autres outils télématiques), Mignoneau et Sommerer, Myron Krueger (scientifique artiste, pionnier fin 60 des installations interactives et environnements immersifs, inventeur de l'expression "Artificial Reality"), Carl Simms (scientifique artiste dans la mouvance de l'art génératif/évolutif), Critical Art Ensemble, Toshio Iwai, Jeffrey Shaw (ancien directeur du ZKM et auteur de nombreux environnements virtuels), Radical Software Group (collectif de "computer artists" auteur du projet artistique de "pro-surveillance", Carnivore, inspiré des logiciels d'espionnage du réseau développés par le FBI), Netochka Nezvanova (artiste, programmeur auteur du logiciel nato.0+55 utilisé par de nombreux artistes, personnage fictif aux incarnations bien réelles, inondant le Net d'une littérature originale et volumineuse de poète activiste "anti-macho-capitaliste").
Ces quelques noms historiques ou actuels juste pour donner une idée du foisonnement dans le monde de la culture digitale. Il y en a bien d'autres, l'histoire est déjà longue mais la diversité et la richesse des tendances actuelles est grande, nouvelle aussi car associant les dimensions politiques et esthétiques de technologies qui sont à la fois des outils quotidiens dont nous dépendons de plus en plus, un médium (Internet) et un support de nouvelles expressions artistiques. Internet, médium terriblement puissant drainant toutes les utopies, outil de toutes les propagandes militantes ou personnelles, de toutes les rumeurs, inventions, parodies et masquarades, plateforme globale de collaboration et d'échanges, outil d'infection et de destruction de l'information, à la portée de l'individu ou du groupuscule. Technologies supports des nouvelles expressions, celles qui explorent l'art génératif et évolutif, les esthétiques de l'interactivité, les mécanismes de perception, les émotions dans les environnements immersifs, les questions de réalité/virtualité, de processus de collaboration, de propriété et copyright, la beauté du code ('software art'), des machines, des traces de données (databody), les nouvelles relations sons/images, ... Mélange, hybridation de tout...
Faute de place et de temps, arrêtons ici cet aperçu trop rapide... On se référera à la littérature 5 ou mieux au Net 6 seul capable de rendre compte de cette réalité mouvante. Mais, c'est certain, il y a une culture digitale avec son histoire -avec ses artistes, ses critiques et théoriciens (ex. Timothy Drukrey, Lev Manovich), ses laboratoires ou Media Lab (ZKM, V2, CICV, C3, Ars Electronica Center, Interactive Institute, ...), ses festivals (DEAF, Ars Electronica, Transmediale, ISEA, ...)-, bien en route, qui évolue très vite, aussi vite que les technologies qu'elle utilise... et dont les objets actuels (net art sous ses formes multiples, installations interactives, environnements immersifs, performances audiovisuelles, ...) sont multiples et souvent éphémères, les formes d'expressions nouvelles 7 et celles à venir encore inconnues.

ALAIN GERONNEZ, Cornélien & Kafkaien, 1999
Pilote cd-rom. Production Magic Media, Artopol,
Centre d'Art Nicolas de Staël

Art Contemporain et Culture Digitale

La fracture est grande entre ce monde de la "culture digitale" et celui de l'art contemporain et de ses institutions... deux mondes qui commencent à peine à se rencontrer. Du côté anglosaxon, on citera les initiatives du San Francisco Museum of Modern Art (exposition "010101: Art in Technological Times", 2001) ou de la Tate avec son espace on-line "Net Art" (www.tate.org.uk/netart/). En France, citons le Palais de Tokyo, le Centre Pompidou ou la Maison européenne de la Photographie 8.
Mais hors ces quelques initiatives parfois opportunes (car le public est demandeur et le phénomène "culture digitale" trop important pour être encore ignoré), faudra-t-il, comme pour l'art vidéo, près de 20 ans pour voir l'acceptation de l'Art Digital dans les institutions d'art contemporain (qui aujourd'hui nous gavent de vidéos en nous les présentant comme "nouveaux média 9"...), ou bien les musées et autres institutions culturelles ne seront-ils tout simplement jamais les lieux des cultures émergentes? Question qui se pose particulièrement pour cet Art Digital dont les lieux d'exposition et les vecteurs de diffusion sont le réseau et dont les acteurs se passent peut-être bien de ce type de soutien institutionnel trop récupérateur...
Les raisons de cette fracture sont multiples: politiques, sociologiques, pratiques. L'une d'elles fut bien sûr dans les années 80 ou 90 la difficulté technique et économique de montrer des installations aux équipements chers et complexes. Une autre a été le caractère très expérimental, trop laboratoire de beaucoup de travaux. Mais une des principales causes est, à mon sens,
la suivante: les acteurs de la culture digitale sont issus de milieux hétérogènes, mal indentifiés, multiples, imprévus, bien méconnus du monde de l'art contemporain institutionnel. Mouvance activiste ("media activists"), codeurs/développeurs/hackers, mouvance anti-globalisation et du logiciel libre 10, designers (graphical, web, video games), artistes de disciplines très diverses (musique et arts visuels principalement) aux approches naturellement transdisciplinaires nées de l'unification "digitale" des média 11, ingénieurs et scientifiques 12, ...

PERRY HOBERMAN, Time Table, 1999

Et quoi ici...

Quels artistes digitaux d'ici? A côté des 2 ou 3 artistes belges (du Nord) reconnus internationalement (Jodi, Entropy8Zuper! 13), qui d'autres? qui en préparation ou en devenir?
C'est un monde relativement limité, émergent, peu structuré, fait d'acteurs principalement individuels ou de petits collectifs d'origines très diverses, chacun tirant son plan de survie comme il peut... Les artistes électroniques belges (ceux qui font du web, des installations interactives, des cd-roms, des performances avec ordinateurs) sont rares et viennent principalement du monde des arts visuels (arts plastiques, art video, graphisme, design, architecture...), de la musique électronique, de l'informatique (des programmeurs).
Ce sont les Lab-au, Tamara Lai, Genoflex, Michel Cleempoel, Alexandra Dementieva, Alok Nandi ou encore des artistes plasticiens tels Alain Geronnez ou Michel François 14, ... pour citer quelques noms de Belgique francophone. Ce sont aussi tous ces jeunes encore inconnus utilisant l'ordinateur depuis presque toujours, cachés dans leur chambre, connectés au réseau, loin des écoles...
Scène naissante, quelque fois reconnue dans les cercles spécialisés européens grâce à Internet. Mais on serait bien en peine d'organiser une exposition d'arts Nouveaux Media de la Communauté française, ou même de Belgique à l'instar de cette expo d'artistes numériques finlandais, "F2F", initiative du gouvernement finlandais, qui a tourné de 2000 à 2002 à travers toute l'Amérique du Nord, avec un accueil très positif de la critique...15
Ne nous étonnons pas. Combien d'années a-t-il fallu entre les premières structures de soutien au cinéma et le développement actuel du cinéma en Communauté française? Où sont les politiques de soutien aux artistes numériques? Où est l'environnement incubateur qui permettrait l'apparition d'une scène digitale locale forte et visible? Comment pourrait-il en être autrement quand il n'y a ni éducation, ni enseignement (rien dans les Ecoles Artistiques! 16), ni ateliers de création, ni lieux d'expositions et d'échanges, de documentation et de ressources, ... Rien... quasi rien à Bruxelles, rien au Sud, quelques premiers efforts dans le Nord (comme nous le verrons).
Si l'on a vu en Communauté française dans les années 60, 70 et 80 l'émergence de centres de recherche en musique électronique, de TV communautaires, de centres de production vidéo, film et super-8, d'ateliers de création radiophonique, toutes structures apparues quasi simultanément aux pratiques bien émergentes de l'époque, il est paradoxal de constater qu'aujourd'hui il n'y a quasi rien dans le secteur de la culture digitale... Paradoxe d'autant plus inquiètant que jamais le battage médiatique, politique, techno-évangéliste et consumériste n'aura été si grand autour de ces Nouvelles Technologies que les industriels déploient rapidement et sûrement dans tous les aspects de notre quotidien, vecteurs de quels contenus, de quels services, pour qui et par qui... Paradoxe d'autant plus incompréhensible face encore à toutes les interrogations politiques, sociologiques et culturelles que ces NTIC posent alors que l'on pourrait raisonnablement croire qu'elles seront supportées par des efforts soutenus d'appropriation ou tout au moins d'analyses critiques, ou encore d'éducation...
Rien de tout cela... La Belgique est petite, la Communauté française encore plus, enfoncée dans un déficit budgétaire permanent, agissant au court terme. "L'Art Digital est élitiste alors que nous en sommes à peine à l'aphabétisation numérique" nous dit-on en haut lieu... Comment ne voit-on pas que l'un et l'autre sont parallèles, si complémentaires...
Le public est pourtant là: il est celui qui utilise les nouvelles technologies sous toutes leurs formes: internet, ordinateurs, mobile, e-gadgets, jeux videos, robots domestiques, échanges peer-to-peer (diffusion mp3), chat, ... avec une appropriation immédiate. Mais même s'il est demandeur d'usages non conformes, plus artistiques, plus personnels et imaginatifs, le public manque de repères, ne sait pas ce qui se fait... On est dans la situation de l'œuf et la poule: il y a une demande implicite, mais pas d'éducation et d'éveils, et peu d'initiatives qui pourraient faire se rencontrer public et nouveaux créateurs.

Quoi ailleurs, tout près...

La plupart de nos voisins européens ont mis en place depuis plusieurs années des politiques de soutien à la culture digitale: soutien aux structures, soutien à la création. Il serait grand temps de profiter au moins de notre retard pour en faire une étude approfondie, en tirer les enseignements et définir pour ici une politique moderne et concrète...
Rapidement, sélectionnons quelques exemples:

En Allemagne
Je ne citerai qu'un lieu mondialement connu: le ZKM (Zentrum für Kunst und Medientechnolige, www.zkm.de) de Karlshruhe. Première initiative en Europe, pensée au milieu des années 80, démarrée en 1991, la structure lourde du ZKM est le fruit de cette époque où les technologies étaient hors de prix, où Internet et ses modèles de collaboration distribuée commençaient à peine, où le logiciel libre était encore embryonnaire 17. Traversant actuellement une crise d'évolution face aux mutations actuelles, le ZKM n'en reste pas moins un lieu mythique de la Culture digitale, lieu incubateur qui a nourri nombre d'artistes et développeurs en résidence et diffusé la Culture Digitale avec son Musée des Média, ses expositions et ses publications d'art électronique (ex. la série Artintact 18).

En Finlande
On ne reviendra pas sur l'exemple finlandais, miracle bien connu de ce pays qui, en 10 ans, est devenu l'un des plus numériques tant au niveau industriel que socio-culturel.
En Finlande, l' "Art Council" est la structure qui gère les soutiens à la création artistique. Le domaine des Nouveaux Média y existe au même titre que les domaines du Cinéma, du Théâtre, de la Musique, ... Il est géré par une commission ad hoc regroupant des représentants du monde artistique digital.
Alors qu'en Communauté française, le projet d'extension de la taxe sur la copie privée aux supports numériques est toujours à l'étude, taxe dont les nouvelles recettes devraient être redistribuées non seulement à la musique et au cinéma mais aussi -et enfin- aux Nouveaux Média 19, en Finlande la question est résolue depuis 1987. AVEK est la structure finlandaise qui redistribue ces recettes à 3 domaines: les Courts-Métrages/Documentaires, les "Media Arts" et les Festivals. Les "Média Arts" regroupent beaucoup de choses (TV, cinema,...) dont les Nouveaux Média. Les fonds pour chacun de ces 3 secteurs sont gérés par un commissaire élu pour un an... qui sera reconduit ou éconduit suivant la qualité des résultats obtenus (ex. visibilité et qualité des œuvres produites). AVEK ne travaille donc pas avec des commissions examinant les dossiers mais avec des individus experts en leur domaine, décidant rapidement des dossiers qui leur sont proposés 20 .
Et bien sûr, il y a des associations soutenues telles que m-cult (www.m-cult.org) ou encore le collectif katastro.fi.

En Communauté flamande
Le nouveau "Vlaamse Audiovisueel Fonds" mis en route fin 2002 est assez indicatif... Il s'agit d'abord d'un fonds gérant de manière autonome son budget, et non d'une commission consultative gérant des budgets flous et donnant des avis dont on fait ce que l'on veut.
Les dossiers sont évalués par des panels d'experts externes constitués en fonction des compétences qu'ils nécessitent.
Après une phase de consultation de plusieurs mois avec de nombreuses personnalités de tous les domaines impliqués (film, cinéma, art video, art contemporain, new media,...), le projet du "Vlaamse Audiovisueel Fonds" se structure en 4 sous-fonds: fictions, documentaires, animation, et "Experimentele mediakunst". Ce dernier est la première ouverture vers les Arts Electroniques: il reprend l'art video, le cinéma expérimental et les nouveaux média. Il est doté de 500.000 eur par an (soit 4% du budget, c'est peu mais c'est une première). Les missions du "Vlaamse Audiovisueel Fonds" sont multiples et vont bien au-delà du simple soutien à la production (voir www.vaf.be). Son comité d'experts comporte des personnalités de nombreux milieux dont les arts contemporains.

L'initiative "Digitaal Platform":
La Communauté flamande a créé récemment des "steunpunten" ou centres de documentation, d'information et de promotion dans les différents domaines artistiques. Ainsi, existe-t-il un "steunpunt" pour les arts plastiques (Initiatief Beeldende Kunst) et un pour les arts audiovisuels (Initiatief Audiovisuele Kunsten). Fin 2002,
ces 2 "steunpunten" se sont unis pour former un sous-"steunpunt" intitulé Digitaal Platform. Initiative au départ modeste, animée par une seule personne (Dirk de Wit), signe d'une réflexion transdisciplinaire dans les Arts en Flandres, l'objectif de la Digitaal Platform est de collecter dans le domaine de la Culture Digitale des informations sur les ressources, les expertises, les pratiques.
Enfin, notons le tissu des associations existantes soutenues par la Communauté flamande telles que Argos ou Nadine à Bruxelles et s'intéressant de plus en plus à la Culture Digitale, ou de nouveaux acteurs tels les collectifs "machine centr'ed humanz" (www.mxHz.org) et http://nMn.be de Gand.

En France
CNC et DAP (Direction Arts Plastiques) ont été les principaux soutiens à la création numérique depuis plusieurs années. Rôle informel au départ, ce soutien est officialisé dans le Dicream (Dispositif pour la Création Artistique Multimédia) créé en 2001 par Catherine Tasca. Au niveau des structures d'accueil, citons le CICV Pierre Shaeffer (Belfort), Metafort, Le Cube (région parisienne).

En Hollande
Après une phase de manifeste politique il y a 5-6 ans au travers de la Virtueel Platform 21 créée par les associations actives dans les Nouveaux Média œuvrant depuis de nombreuses années (V2_Organisation, De Balie, Waag/Society for Old and New Media, Steim, Netherlands Media Art Institutes - Montevideo, Doors of Perception, Submarine), existe maintenant en Hollande une vraie politique de la Culture Digitale. Internationalement reconnues 22 et aujourd'hui largement soutenues, ces structures (dont V2 qui organise depuis 1994 un festival international renommé des Arts Electroniques, le DEAF) mènent à la fois des missions de structure d'accueil, de recherche et de production.

Où en est-on ici?

Il y a eu quelques initiatives malheureuses des pouvoirs publics... Ainsi connaissez-vous le Concours Multimédia de la Communauté française, seule aide explicite à la création multimédia? Il existe pourtant depuis 1999 et a distribué sur 3 éditions annuelles plus de 8 millions de francs belges sans aucun résultat à des sociétés principalement de l'audiovisuel classique. Car aujourd'hui en Communauté française, les seuls qui réfléchissent aux politiques de soutien des Nouveaux Média sont les gens de l'audiovisuel, secteur bien établi avec les entreprises publiques et privées. Aucune proposition du monde artistique contemporain, de l'art vidéo, ou de la culture digitale...
Mais peut-on espérer une amélioration?
Le politique prendrait-il enfin conscience de l'importance des NTIC omniprésentes dans la société et donc aussi de leurs composantes culturelles et artistiques? Qui va faire du contenu pour tous ces nouveaux vecteurs et supports? Comment espérer un usage créatif au sens économique des NTIC si l'on ne supporte pas d'abord un usage créatif au sens large?
Actuellement au niveau du soutien à la création, l'on se trouve dans un système rigide avec des secteurs artistiques complètement cloisonnés (musique, danse, théatre, cinéma, arts plastiques, littérature, BD, ...) où n'apparaît nulle part un véritable secteur "création Nouveaux Média" avec ses budgets propres et ses instances de décision. Ajouter ce nouveau pôle doit se faire en connaissance des mutations actuelles: l'on assiste aujourd'hui à un décloisonnement des disciplines artistiques, à une transversalité et une multidisciplinarité, et la création numérique est exemplaire de cette tendance. Il y a donc, parallèlement à la reconnaissance de ce nouveau secteur, un travail de réflexion profonde à mener sur les changements actuels induits par les NTIC dans les pratiques artistiques 23 et leurs implications dans les mécanismes de soutien.
Au niveau des structures en Communauté française, il n'y a actuellement aucun atelier de création numérique et de formation, aucune scène pour la culture digitale, aucun lieu d'information ou d'exposition...
Même si une asbl comme iMAL (www.imal.org) commence à être aidée et écoutée, même si d'autres telles Transcultures sont actives (principalement grâce au budget européen des NetDays), même si une commune comme Ixelles prend des initiatives pionnières, l'on est bien loin des niveaux de soutien nécessaires pour définir une politique avec tous les acteurs concernés et la mettre en place.

(*)
Administrateur d'iMAL, producteur et développeur d'œuvres digitales.
( yb@imal.org / http:www.imal.org )

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1. "Interview with William Wright", in "Theories and Documents of Contemporary Art: A Sourcebook of Artists' Writings", Ed. K.Stiles and P.Selz, Berkeley, Univ. of California Press, 1996.

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2. Même si des logiciels actuels ne font que calquer les méthodes traditionnelles et exploitent peu les possibilités algorithmiques et génératives, il n'empêche que leur généralisation sur des ordinateurs bon marché renouvelle la production vidéo et photographique ou visuelle.

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3. La musique a été une des premières disciplines artistiques à exploiter les technologies électroniques puis numériques car elle est comparativement à l'image animée un média nécessitant bien moins de puissance de calcul, de stockage et de bande passante. La musique étant une pratique artistique bien établie et reconnue, dès les années 50 sont aussi apparues des structures de recherche et de production, des ateliers ou laboratoires en musique électronique... structures d'incubation dont les retombées culturelles et technologiques prennent toute leur ampleur aujourd'hui... (voir par ex. le logiciel MAX né à l'IRCAM et adopté par toute une communauté d'artistes audio-visuels...)

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4. "Maeda@media, journal d'un explorateur du numérique", Thames&Hudson, 2000

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5. Consulter par exemple l'excellent cd-rom "Actualités du Virtuel/Actualizing the Virtual" par Jean-Louis Boissier (actes de la Revue Virtuelle), Centre Pompidou, 1996; ou encore "New Media Culture in Europe", De Balie & Virtueel Platform, Amsterdam, 1999; ou plus récemment le livre + cd-rom "Media Art Interaction, The 1980s and 1990s in Germany", Goethe Institute & ZKM, Springer, 2000 - dont les ramifications dépassent largement l'Allemagne.

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6. La plupart des noms cités sont facilement documentables et contextualisables avec un moteur de recherche tel que www.google.com


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7. Comme ce courant du "live video", où des artistes "jouent" sur scène des processus visuels comme des musiciens une composition musicale, forme matériellement quasi-impossible il y a encore quelques années; voir par exemple le trio d'improvisation "live audio+vidéo" 242.pilots, invité en février 2002 à Bruxelles par iMAL avec l'aide de Nadine et le soutien de la commune d'Ixelles, et dont la performance est disponible maintenant en DVD ("Live in Brussels", www.carparkrecords.com/242pilots.html)

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8. Palais de Tokyo: jeu "adji" on-line de Meshac Gaba (2001), "Tokyo Games" avec le Team Chman (2001) et l'oeuvre jeu vidéo de Tobias Bernstrup (2002); Centre Pompidou: expo "Sonic Process" (fin 2002), MEP: expo "@utsiders" (sept 2002).

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9. Le monde de l'art contemporain considère encore la vidéo comme un "Nouveau Média". Voir par exemple "Les Nouveaux Média dans l'Art" de Michael Rush, 1999, Thames&Hudson dont seul le dernier chapitre traite de l'art digital. Ou encore le site "www.newmedia-arts.org" produit en 2000 par le Centre Pompidou, le Ludwig Museum et Saint- Gervais Genève, encyclopédie "arts nouveaux média" on-line qui traite à 99% de films, vidéos et arts contemporains traditionnels...

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10. Le mouvement du Logiciel Libre ("Open Source") a pris une ampleur considérable ces dernières années. Au-delà de son succès -voir les "parts de marché" de Linux ou encore son adoption par les plus grandes entreprises et portails Internet tels que Yahoo- il est une attitude politique face à la dépendance et au contrôle global que veulent nous imposer les Etats et les monopoles commerciaux du logiciel. Il traduit la volonté des utilisateurs de technologies d'une maîtrise complète des outils -de leur création à leur diffusion- seule garantie pour un usage indépendant et créatif. Ces préoccupations rejoignent celles de toujours des artistes de maîtriser leurs outils de production. Ce mouvement d'échange, de collaboration et de partage diffuse aussi le savoir-faire informatique -l'art du logiciel- stimulant le processus d'appropriation dans tous les milieux: artistiques, culturels, activistes, ...

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11. L'on assiste à deux phénomènes parallèles: d'une part les artistes plasticiens s'intéressent de plus en plus au son dans leur travail (comme d'ailleurs les cinéastes se sont intéressés depuis longtemps au rapport entre l'image et le son) et inversément des artistes audio (ex. DJ) se mettent à penser "images"; et d'autre part, il y a cette convergence technologique qui voit sur les mêmes matériels informatiques le développement d'outils de manipulation de l'image et de la vidéo dans une approche similaire à ce qui s'est passé pour l'audio il y a quelques années (sampling, séquenceur, programmes de composition musicale, outils de performances en temps réel).

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12. Dans ce monde de l'Art Digital, les rapports art et sciences sont particulièrement importants et nécessaires; en parler demanderait un développement bien trop long.

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13. Jodi pour Joan Heenskerk et Dirk Paesman (issu de la même génération que les Koen et Frank Theys, Anne-Mie van Kerckhoven); Entropy8Zuper! = Michael Samyn et Auria Harvey.

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14. Cd-rom "Actions: la plante en nous" de Michel François, produit par iMAL, 2000 (récemment acquis par la Médiathèque Nouveaux Média du Centre Pompidou).

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15. www.f2fmedia.net

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16. Les Ecoles Supérieures Artistiques digèrent actuellement le Décret du 20.12.2001, étape de normalisation nécessaire mais réductrice dans une première phase, ouvrant peut-être - pour les plus résistantes- la possibilité de nouveaux projets... Encore quelques années de retard alors que dans les pays voisins ou en Communauté flamande s'ouvrent des 3e cycles "Hypermedia", "New Media Arts", "Transmedia" (Sint-Lukas, Brussels), ...

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17. Lire "Hardware Software Artware", Confluence of Art and Technology, Art Practice at the ZKM Institute for Visual Media 1992-1997, Cantz Verlag, 1997.

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18. Artintact: 5 livres+cd-rom publiés de 1994 à 1999, ré-édités en 1 dvd-rom (Cantz).

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19. C'est dans le service audiovisuel de l'administration, plus précisément le groupe de travail multimédia (comité de concertation du cinéma et de l'audiovisuel), que se sont discutées ces derniers mois des propositions de redistribution de ces recettes vers les Nouveaux Média, sans aucun représentant du monde des arts plastiques et des acteurs existants représentatifs de la Culture Digitale...

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20. C'est grâce à l'intervention rapide et efficace d'AVEK que l'installation interactive de l'artiste Hanna Haaslahti co-produite par iMAL a pu être menée à bien en quelques mois (voir www.mal.org/WhiteSquare). Exposée à la Kunsthalle de Lophem jusque fin 2002, elle sera début 2003 au Kiasma, musée d'art contemporain d'Helsinki.

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21. www.virtueelplatform.nl. A consulter aussi la revue "Mediamatic" et ses cd-roms dont les actes des conférences "Doors of Perception".

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22. Connues par leurs activités mais aussi par les logiciels pour artistes qu'elles ont développés ou développent tels Imagine et Bigeye du Steim, ou l'ambitieux projet de plateforme de performances multimédia en réseau "KeyStroke" de De Waag.


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23. La Danse est particulièrement "touchée" par les Nouvelles Technologies. Voir par ex. la Compagnie Michèle Noiret et ses collaborations avec l'ingénieur-artiste Todor Todorof; lire "Danse et Nouvelles Technologies", asbl Contredanse, Bruxelles, 1999.

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JODI, site: jodi.org

 

 

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