Ministère de la Communauté française de Belgique 


l'art même
# 18
 
 
Wallonie-Bruxelles: désert des arts électroniques
par Xavier Ess, journaliste culturel à la RTBF, responsable de l'émission radio-télé-web CyberCafe depuis 1996

A l'interconnexion des arts, des sciences et des technologies, les arts électroniques sont la nouvelle galaxie apparue au firmament du grand Univers artistique. Une galaxie faite de trous noirs et déjà de légendes, nourrie des explorations de ses habitants et de leurs incessantes allées et venues entre l'ancien monde et le nouveau. Une galaxie bien peu visitée par ceux qui -décideurs culturels, artistes installés, responsables de l'enseignement artistique- détiennent les rênes et les cordons de la bourse des arts traditionnels.

 


ETAT DES LIEUX

Diffusion

Par essence, le net-art se crée et se diffuse sur l'internet. Les artistes se sont donc organisés eux-mêmes pour créer leur espace de diffusion, via des sites perso, des galeries virtuelles et des sites de communauté: lieu de présentation des œuvres, mais aussi d'échanges de savoir technologique et d'information sur l'actualité du secteur. Les arts électroniques liés à une représentation physique (vj's, installation 3D, performance interactive) ont quelques lieux pour montrer leurs productions: Nadine, Centre d'Art Ixelles, seul endroit avec une programmation régulière en matière d'arts électroniques; le Petit Théâtre Mercelis, Ixelles, équipé pour monter des spectacles incorporant les nouvelles technologies; Recyclart, le Beurschouwburg et le PASS lors des festivals Netdays Wallonie-Bruxelles, KFDA (KustenFestivalDesArts) et VIA. Pas d'art digital dans les collections du Mac's, les centres culturels, les galeries privées. Quelquefois de la photo numérique retravaillée grâce à Photoshop ou de la danse sur fond d'images 3D.

Production

Plus encore que le cinéaste, l'écrivain ou même le plasticien, le créateur électronique se trouva fort dépourvu quand le devis de production fut venu! Pas d'aide publique pour créer et gérer un serveur web, pas de commission d'achat pour les installations 3D, pas d'aide à la production de web movies, ... Néanmoins, quelques associations, subsidiées de façon symbolique, ont vu le jour:
Transcultures, association transdisciplinaire de la Communauté Wallonie-Bruxelles, en charge du volet francophone de l'initiative Netdays Europe, transformé en festival des arts électroniques. http://www.transcultures.net
iMAL, Interactive Media Art Laboratory, curateur de CONTinENT, exposition d'oeuvres électroniques lors de Bruxel 2000; producteur exécutif du cd-rom "La plante en nous" de Michel François, organisateur de workshops ("hackers techniques", "Max + Live Video" ) et de concerts/ performances audio-video.
http://www.imal.org.
Constant vzw, association pour les arts et les média, soutenue par la Communauté flamande, centrée sur la critique des technologies et la redéfinition des identités sociales et culturelles dans la société de l'information. Depuis 1997, Constant organise le festival Verbindingen/
Jonctions dans le cadre du KFDA. Un festival thématique qui combine œuvres en ligne, conférences, spectacles,workshops, documentation. L'association poursuit un travail d'analyse sur les thèmes du cyberféminisme, de la propriété intellectuelle et du droit d'auteur, de la liberté d'expression sur les réseaux.
http://www.constantvzw.com





TAMARA LAÏ : http://users.skynet.be/tamara.lai/solenoides/solenoide7.htm


POURQUOI LES DÉCIDEURS ET LES ARTISTES SONT TECHNOPHOBES

Au vu de l'activité et des structures existantes en Allemagne, en Autriche, en France, dans les pays scandinaves, aux Etats-Unis, en Hongrie ou aux Pays-Bas, force est de constater que les décideurs culturels et les artistes de notre communauté sont plutôt technophobes. Technophobes par ignorance, ce qui est sans doute la pire des raisons.
Petit tour d'horizon des champs à défricher;-) pour le néophyte:
- Identifier les artistes : autodidactes par défaut (pas de section "arts électroniques" dans les écoles d'art), les artistes électroniques émergent de nulle part. Sans pratique du réseau, il devient difficile de les repérer! D'autant plus qu'on ne sait pas toujours très bien qui est l'artiste. Sur le web, l'œuvre mise en ligne est souvent le résultat d'une mise en commun de compétences (programmeur, web designer, concepteur, sound designer, ...), sans oublier les nombreux projets participatifs où l'œuvre est refaçonnée en permanence par les actions, les réactions, la créativité des internautes... ou des machines.
- Identifier les œuvres : les arts électroniques ont cet attrait extraordinaire que leurs outils se perfectionnent en permanence. Ce qui exige, il est vrai, la connaissance de ces technologies et un suivi des (rapides) évolutions. Sans ce bagage, impossible de faire les bons investissements ou d'évaluer la faisabilité technique d'une œuvre. La nature même des propositions artistiques est intimement liée à l'évolution des possibilités technologiques mais aussi à la "culture électronique": une culture du temps réel, du partage d'informations, de la critique des enjeux politiques des technologies de communication... et du download à gogo. Une culture à expérimenter d'une seule façon: surfer le web. Software art, littérature participative non-linéaire, web movie, genetic art, animation flash, generative art, installation multimedia, performance audio-video... les arts électroniques déploient une palette bâtie sur la transversalité entre les disciplines artistiques (musique électronique, web design, littérature, photo et vidéo numérique, danse, narration multimédia, radio-art, réalité virtuelle, animation), les domaines de compétence (computer science, robotique, sociologie, activisme, hacking, science-fiction, jeu video, architecture) et les générations (comme souligné par le célèbre statement "nobody knows you're a dog on the internet", les individus ont appris -via le réseau- à se rencontrer sur leurs intérêts communs et pas selon les critères sociaux de la "vie réelle") . Comment évaluer la pertinence des œuvres et des projets sans pratique de cette culture émergente?
- Redéfinir l'œuvre comme un moment d'espace-temps : depuis le happening, le caractère éphémère de l'œuvre d'art, on connaît ça. Heureusement pour les historiens, les traces photographiques ou vidéos sont nombreuses. Le cas des arts électroniques est plus complexe: le net-art est éphémère de par la structure nomade du web (l'œuvre est liée à la vie du serveur qui l'héberge), les spectacles multimédia -immersifs par nature- sont de moins en moins "captables" en video et surtout les créateurs ont peu la volonté de figer l'œuvre, de la "conserver en l'état". Dans une culture du flux et de l'hybridation, l'expérience prime sur le produit ou la possession de l'objet. Les œuvres électroniques virtuelles, bâtardes et éphémères sont-elles "patrimoinisables" aux yeux de nos institutions?
- Inventer de nouvelles formes d'événement : montrer, ou plutôt faire partager les œuvres électroniques exige réflexion et imagination. Ces manifestations, aujourd'hui rarement réussies du point de vue du grand public, doivent parvenir à allier participation réelle des spectateurs (et pas un vernis "interactif" tellement trendy aujourd'hui), ouverture vers l'information du grand public (et reléguer aux oubliettes cet élitisme induit des milieux de création contemporaine qui fait de celui qui ne comprend pas le "concept" -alors qu'il s'agit dans le meilleur des cas d'un processus- un imbécile coupable) et diversité des disciplines et des moments (monstration, conversation, participation) au sein du même événement. Un grand "mix" qui reste à imaginer, des années après l'expérience malheureuse du Cyberthéâtre à Bruxelles.
CONCLUSION : Tout sauf rejouer le scénario catastrophe de l'art vidéo.
Issu de la technologie du médium de masse le plus puissant de l'histoire de l'humanité, l'art video -par manque de communicateurs- n'a su trouver ni son public ni ses moyens de diffusion. Aujourd'hui, en 7 ans, l'internet est entré dans 500 millions de foyers, il aura fallu XX années à la télévision pour...
L'ampleur du phénomène montre assez le cheminement laborieux qui reste à effectuer par les artistes et les décideurs culturels afin qu'ils ne ratent pas le rendez-vous avec le public, les technologies et le nouveau paradigme qu'elles génèrent.
Aujourd'hui, fait rarissime, les artistes sont face à une panoplie d'outils qui ne sont qu'à l'aube de leur développement. Les richesses d'expression des nouvelles technologies sont un champ d'investigation vertigineux; l'imaginaire pouvant même canaliser la direction des recherches, comme -par exemple- à l'Ars Electronica Center de Linz où scientifiques, artistes et industriels concentrent leurs recherches sur le sens du toucher dans les interfaces homme/machine.
Via l'internet, la téléphonie mobile, le jeu video, l'email et le commerce électronique, le public vit et invente jour après jour ce nouvel ordre de représentations, ce nouveau rapport à l'espace/temps, à la propriété artistique (cf le phénomène Napster), à l'identité (multiplication des pseudos et des adresses mail), à la communication interpersonnelle (succès phénoménal des sms et du chat) . POUR LA PREMIERE FOIS, le public connaît et domine AVANT les artistes les outils d'expression (web, chat, 3D (jeux video), streaming (diffusion de vidéo en temps réel via le web) . Cette inversion des rapports de pouvoir serait-elle pour partie responsable de la frilosité des artistes et des institutions vis-à-vis des Nouvelles Technologies?



Concours multimédia du service général de l'audiovisuel et des multimédia

Ignorant les "Arts Electroniques", le Service Général de l'Audiovisuel et des Multimédia (www.cfwb.be/av/) organise néanmoins depuis 1999 un concours multimédia dont l'objet... et la somme allouée varient suivant les années !
En 1999, le concours, doté de 3.500.000 fb, est destiné à "valoriser les ressources de l'audiovisuel dans la production de programmes sur supports numériques interactifs (...)." Bref, transposer sur cd-rom le patrimoine audiovisuel. En 2000, le concours, raboté d'un million (2.450.000fb), attire 16 projets qui "s'articulaient principalement autour de trois thèmes : la littérature (poésie, œuvre de Simenon, proverbes, Daily-Bul), l'enseignement et les loisirs (jardinage (sic), création artistique, base de données personnalisée) ."

En 2001, réduit à 2.055.000 fb (50.942 euros), l'objet du concours est recentré : "les projets devront allier l'originalité des contenus à la Culture ou à l'Audiovisuel." En 2002, nouvelle diminution : 24.789 euros (1.000.000fb) et une définition minimaliste : "un concours de production réalisé à l'aide des technologies nouvelles".
Jusqu'en 2001, le jury est constitué essentiellement de gens de cinéma et de télévision ! L'édition 2002 évolue vers un jury plus ciblé, mais le règlement exclut toujours les projets en ligne (site web). A l'épicerie de la Communauté française, on en veut pour son argent et il faut un (bel) objet à montrer... au mépris de la réalité du marché (faillite des cd-roms/dvd-roms culturels) et des réalités budgétaires (24.789 euros permettent la production d'un site web de qualité, pas d'un cd-rom) .

Aujourd'hui, malgré les sommes allouées, aucun des trois premiers lauréats n'a finalisé son projet (La Rétine de Plateau pour le projet de cd-rom "De Joseph à Marie : l'exposition virtuelle du cinéma belge", In Ovo pour le projet de cd-rom "Une grosse de Daily-Bul", Image Réalité HM pour son projet de dvd-rom "Les voyages de Georges Simenon") . Le prix 2002 a été attribué à la compagnie théâtrale Le Cri, sous réserve de développement concret de son projet "Métamorphoses".

Quelques liens:

BELGIQUE
www.jodi.org
www.tellamouse.be.tf/
www.entropy8zuper.org/
www.confetti.org/
www.10pm.org
www.transcultures.net
www.imal.org
www.constantvzw.com
www.nadine.be
www.all2all.org
www.umanas-projects.org/home.htlm
aleph-arts.org/inserts/
www.skor.nl/PanoramicPortraits/
Virtual Platform http://lists.all2all.org/mailman/listinfo/vp

CENTRE NOUVEAUX MEDIAS
www.zkm.de
www.aec.at
www.cicv.fr
www.V2.nl
www.C3.hu
www.m-cult.net

COMMUNAUTÉS/SERVEURS/GALERIES
www.incident.net
www.rhizome.org
www.nettime.org
www.m-cult.net
www.encart.net
hotwired.lycos.com/rgb/
www.walkerart.org/gallery9/

FESTIVALS/EVÉNEMENTS
www.transmediale.de
deaf.v2.nl
www.flashforward.com
www.europrix.org
www.vectorlounge.com
Festival VIA 2003 du 19 au 29 mars Le Manège-Mons: www.lemanege.com
Festival VERBINDINGEN/JONCTIONS 7 du 02 au 24 mai dans le cadre du KFDA: www.kfda.be

 

 

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