Ministère de la Communauté française de Belgique 


l'art même
# 27
 
 
CREATIVE COMMONS: QUAND LE DROIT D'AUTEUR PALLIE A TROP DE DROIT D'AUTEUR
par Suzanne Capiau

Depuis une vingtaine d'années1, des lobbies industriels puissants oeuvrent pour renforcer la protection de la propriété intellectuelle dans le contexte, sans précédent, de l'économie du numérique. Au point de faire surgir des réactions de plus en plus partagées au sein du public, et même des artistes, qui s'interrogent sur le bien fondé de l'élargissement, lui aussi sans précédent, des protections actuelles des contenus2.



Plus concrètement, pour garantir3, une meilleure circulation des œuvres de toutes natures (textes, images, musiques, films, BD), sont apparues des licences libres, dites copyleft: la licence Art libre apparue en France4, et plus récemment les Creative Commons Licences d'origine américaine. Ces licences sont inspirées de la GPL (General Public Licence), bien connue des utilisateurs du système informatique Linux.

Lancé en 2002 par Lawrence Lessig, professeur de droit à l'Université de Stanford aux USA, Creative Commons, que l'on peut traduire par "biens créatifs mis en partage", est un projet international et une organisation américaine à but non lucratif, qui visent à faciliter la diffusion et la réutilisation d'œuvres protégées par le droit d'auteur.
Creative Commons propose aux auteurs qui souhaitent mettre leurs travaux librement à la disposition du public des licences d'utilisation libre et gratuite de tous, tout en protégeant leurs droits. Ces licences, conçues à l'origine en droit américain, ont été adaptées et traduites dans plusieurs droits nationaux, dont le droit belge5. Le lancement des licences en Belgique s'est déroulé en décembre 2004 à la Bibliothèque royale de Belgique.

Il existe quatre licences6, identifiées par des sigles simples, et présentées succinctement pour les non juristes7 pour permettre une appréhension simple et rapide:

  
- PATERNITE: l'œuvre peut être librement utilisée, à la seule condition de l'attribuer à son auteur en citant son nom;

  
- PAS D'UTILISATION COMMERCIALE: le titulaire de droits autorise tous les types d'utilisation ou au contraire les limite aux utilisations non commerciales, les autres restant soumises à son autorisation;

  
- PAS DE MODIFICATION: le titulaire de droits réserve la faculté de réaliser des œuvres de type dérivé ou, au contraire, autorise à l'avance les modifications, traductions,...

  
- PARTAGE A L'IDENTIQUE DES CONDITIONS INITIALES: à la possibilité d'autoriser à l'avance les modifications se superpose l'obligation de soumettre les œuvres dérivées aux mêmes libertés que l'œuvre originaire.

Ces licences sont dites contaminantes: l'utilisateur ne peut réutiliser et diffuser l'œuvre placée sous le régime d'une Creative Commons Licence qu'à la condition de se soumettre également aux termes de cette licence.
A la mention classique "ALL RIGHTS RESERVED", ces licences ne visent qu'à "SOME RIGHTS RESERVED" et permettent ainsi une circulation libre conditionnée.

 

1. Pour un bref aperçu historique, voyez dans les pages de cette revue Suzanne Capiau, "Vous avez dit Copyleft?", in l'art même n°22.

2. Florent Latrive, Du bon Usage de la piraterie, Paris, Exils Editions 2004, 170 pp.; Séverine Dussolier, Droit d'auteur et protection des oeuvres dans l'univers numérique - Droits et exceptions à la lumière des dispositifs de verrouillage des œuvres, Bruxelles, Larcier 2005, 584 pp.

3. A l'instar des logiciels libres (open source).

4. V. note 1.

5. Grâce notamment au travail du Crid (Centre de Recherches Informatique et Droit des Facultés universitaires de Namur) et du CIR (Centrum voor Intellectuele Rechten , KUL).

6. D'autres licences sont également disponibles, adaptées aux besoins des pays en voie de développement, au sampling, au partage de la musique, ou encore destinées à la mise d'une œuvre sous le régime du domaine public.

7. V. sur http://creativecommons.org.

 

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