Ministère de la Communauté française de Belgique 


l'art même
# 28
 
 
Play it again, Marcel !
par Pierre-Yves Desaive

 



  
RONALD DAGONNIER, "Play it again, Marcel!", simulation, 2005.

Emmené par Lino Polegato (Flux asbl), le projet Blitz a rassemblé Angel Vergara, Lucia Bru et Selçuk Mutlu, pour une série de performances dans et hors des Giardini, lors des journées d'ouverture de la Biennale. Il se prolonge, durant tout le mois de septembre, avec une installation réalisée par Ronald Dagonnier dans le Musée naval, Play it again, Marcel! Celle-ci s'inscrit dans la philosophie de Blitz, un terme qui désigne tant la guerre-éclair (ici: l'intervention artistique sauvage dans l'espace public) qu'une partie d'échecs jouée très rapidement. Deux écrans se font face, de part et d'autre d'une zone au sol sur laquelle est projeté un échiquier, dont les cases sont des images saisies dans les 32 pavillons des Giardini. Sur l'un des écrans, Marcel Duchamp assiste au défilé de personnalités politiques (George W. Bush, Ousama Ben Laden, Yasser Arafat, Bill Clinton…) qui prend place de l'autre côté ; le spectateur, filmé en temps réel, est lui aussi projeté sur l'échiquier. On retrouve, associées au jeu d'échecs (dont l'artiste est un fervent amateur), les préoccupations de Ronald Dagonnier pour la dimension potentiellement conflictuelle des images: il est paradoxal que nos sociétés contemporaines, qui en produisent comme jamais auparavant dans l'histoire de l'humanité, assistent à la montée des intégrismes monothéistes, pourtant iconophobes par nature. "Les Etats-Unis ont déjà gagné la guerre de l'image", titrait un quotidien début 2003, évoquant la censure dont la couverture médiatique du conflit irakien allait systématiquement faire l'objet. Qui détient l'image, détient le pouvoir. Placé au centre de la mêlée vénitienne, la "Mecque de l'art contemporain" (magnifique oxymore), le spectateur est un pion, mais aussi un parasite, dans la partie qui se joue entre Duchamp et ses ready-mades politiques, devenus soudain tous interchangeables. A l'instar d'Antonio Muntadas qui, au pavillon espagnol, établit la liste des pays non représentés à la Biennale, Ronald Dagonnier use de la métaphore politique pour rappeler que les frontières de l'art contemporain sont, comme celles des nations, enjeux de conflits.

 

 

 

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